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Autor: Baudelaire, Charles, 1821-1867
Título: Poemas en prosa / Charles Baudelaire;
traducción del francés por Enrique Díez-Canedo
Publicación: Alicante : Biblioteca Virtual Miguel de Cervantes, 1999
Publicación original: Madrid, Talleres Espasa Calpe, 1935
Notas de reproducción original: Edición digital basada en la de Madrid,
Talleres Espasa Calpe, 1935.
Portal: Biblioteca de Traducciones Españolas
Materias:
- Poesía francesa — Siglo 19º
Nombre relacionado:
- Díez-Canedo, Enrique, 1879-1944 (traductor)
Idioma: español
URI: http://www.cervantesvirtual.com/nd/ark:/59851/bmc0r9n3
Biblioteca de Traducciones Españolas
Directores Francisco Lafarga y Luis Pegenaute
Biblioteca Virtual Miguel de Cervantes
445 publicaciones
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– XXXVIII –
Conocí a una tal Benedicta, que llenaba la atmósfera de ideal y cuyos ojos derramaban deseo de grandeza, de hermosura, de gloria, de todo lo que lleva a creer en la inmortalidad.
Pero la milagrosa muchacha era bella en demasía para vivir mucho tiempo; así, murió algunos días después de haberla conocido yo, y yo mismo la enterré, un día en que la primavera agitaba su incensario hasta los cementerios. Yo fui quien la enterró, bien guardada en un féretro de madera perfumada, incorruptible como los cofres de la India.
Y como los ojos se me quedaran clavados en el lugar donde hundí mi tesoro, vi súbitamente una criaturilla que se parecía de modo singular a la difunta, y que, pisoteando la tierra fresca con violencia histérica y rara, decía soltando la risa: «¡La verdadera Benedicta soy yo! ¡Soy yo, valiente bribona! Y en castigo de tu locura y de tu ceguera, me querrás como soy.»
Pero yo, furioso, contesté: «¡No!, ¡no!, ¡no!» Y para acentuar mejor mi negativa, di tan fuerte golpe en la tierra con el pie, que la pierna se me hundió hasta la rodilla en la sepultura reciente, y, como lobo cogido en la trampa, sigo preso, tal vez para siempre, en la fosa de mi ideal.
XXXVIII
LAQUELLE EST LA VRAIE ?
J’ai connu une certaine Bénédicta, qui remplissait l’atmosphère d’idéal, et dont les yeux répandaient le désir de la grandeur, de la beauté, de la gloire et de tout ce qui fait croire à l’immortalité.
Mais cette fille miraculeuse était trop belle pour vivre longtemps ; aussi est-elle morte quelques jours après que j’eus fait sa connaissance, et c’est moi-même qui l’ai enterrée, un jour que le printemps agitait son encensoir jusque dans les cimetières. C’est moi qui l’ai enterrée, bien close dans une bière d’un bois parfumé et incorruptible comme les coffres de l’Inde.
Et comme mes yeux restaient fichés sur le lieu où était enfoui mon trésor, je vis subitement une petite personne qui ressemblait singulièrement à la défunte, et qui, piétinant sur la terre fraîche avec une violence hystérique et bizarre, disait en éclatant de rire : « C’est moi, la vraie Bénédicta ! C’est moi, une fameuse canaille ! Et pour la punition de ta folie et de ton aveuglement, tu m’aimeras telle que je suis ! »
Mais moi, furieux, j’ai répondu : « Non ! non ! non ! » Et pour mieux accentuer mon refus, j’ai frappé si violemment la terre du pied que ma jambe s’est enfoncée jusqu’au genou dans la sépulture récente, et que, comme un loup pris au piége, je reste attaché, pour toujours peut-être, à la fosse de l’idéal.
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