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Segunda carta conyugal
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Necesito, a mi lado, una mujer sencilla y equilibrada, y cuya alma agitada y oscura
no alimente continuamente mi desesperación. Los últimos tiempos te veía siempre
con un sentimiento de temor e incomodidad. Sé muy bien que tus inquietudes por mí
son a causa de tu amor, pero es tu alma enferma y malformada como la mía la que
exaspera esas inquietudes y te corrompe la sangre. No quiero seguir viviendo contigo
bajo el miedo. Agregaré que además necesito unas mujer que sea mía exclusivamente,
y que pueda encontrar en todo momento en mi casa. Estoy aturdido de soledad. Por la
noche no puedo regresar a un cuarto solo sin tener a mi alcance ninguna de las comodidades
de la vida. Me hace falta un hogar y lo necesito enseguida, y una mujer que se ocupe de
mí permanentemente, incapaz como soy de ocuparme de nada, que se ocupe de mí hasta
de los más insignificante. Una artista como tú tiene su vida y no puede hacer otra cosa.
Todo lo que te digo es de una mezquindad atroz, pero es así. No es preciso siquiera que
esa mujer sea hermosa, tampoco quiero que tenga una excesiva inteligencia, y menos aún
que piense demasiado. Con que se apegue a mí es suficiente.
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Pienso que sabrás reconocer la enorme franqueza con que te hablo y sabrás darme la siguiente
prueba de tu inteligencia: comprender muy bien que todo lo que te digo no rebaja en nada la
profunda ternura, y el indecible sentimiento de amor que te tengo y seguiré teniendo inalienablemente
por ti, pero ese sentimiento no guarda ninguna relación con el devenir corriente de la vida.
La vida es para vivirse. Son demasiadas las cosas que me unen a ti para que te pide que lo nuestro
se rompa; sólo te pido que cambiemos nuestras relaciones, que cada uno se construya una vida
diferente, pero que no nos desunirá más.
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Deuxième lettre de ménage
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J’ai besoin, à côté de moi, d’une femme simple et équilibrée, et dont l’âme inquiète et trouble
ne fournirait pas sans cesse un aliment à mon désespoir. Ces derniers temps, je ne te voyais plus
sans un sentiment de peur et de malaise. Je sais très bien que c’est ton amour qui te fabrique tes
inquiétudes sur mon compte, mais c’est ton âme malade et anormale comme la mienne qui exaspère
ces inquiétudes et te ruine le sang. Je ne veux plus vivre auprès de toi dans la crainte. J’ajouterai
à cela que j’ai besoin d’une femme qui soit uniquement à moi et que je puisse trouver chez moi
à toute heure. Je suis désespéré de solitude. Je ne peux plus rentrer le soir, dans une chambre,
seul, et sans aucune des facilités de la vie à portée de ma main. Il me faut un intérieur, et il me
le faut tout de suite, et une femme qui s’occupe sans cesse de moi qui suis incapable de m’occuper
de rien, qui s’occupe de moi pour les plus petites choses.Une artiste comme toi a sa vie, et ne peut pas
faire cela. Tout ce que je te dis est d’un égoïsme féroce, mais c’est ainsi. Il ne m’est même pas
nécessaire que cette femme soit très jolie, je ne veux pas non plus qu’elle soit d’une intelligence
excessive, ni surtout qu’elle réfléchisse trop. Il me suffit qu’elle soit attachée à moi.
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Je pense que tu sauras apprécier la grande franchise avec laquelle je te parle et que tu me donneras
la preuve d’intelligence suivante : c’est de bien pénétrer que tout ce que je te dis n’a rien à voir avec
la puissante tendresse, l’indéracinable sentiment d’amour que j’ai et que j’aurai inaliénablement pour
toi, mais ce sentiment n’a rien à voir lui-même avec le courant ordinaire de la vie. Et elle est à vivre,
la vie. Il y a trop de choses qui m’unissent à toi pour que je te demande de rompre, je te demande
seulement de changer nos rapports, de nous faire chacun une vie différente, mais qui ne nous désunira pas.
Antonin Artaud
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Segunda carta conyugal
Le Pèse-nerfs, in Oeuvres complètes.
trapichedosoutros.blogspot.com.es/2012/12/deuxieme-lettre-de-menagesegunda-carta.html
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