Escúchalo aquí recitado por Tomás Galindo

 

Escúchalo aquí recitado en francés por Michel Piccoli

 

 

 

charles baudelaire

spleen de paris

 

un hémisphère dans une chevelure

 

Un Hémisphère dans une chevelure (XVII), poème en prose qui appartient au recueil
Spleen de Paris et doit être mis en lien avec La Chevelure, poème en prose des Fleurs du Mal

 

un hémisphère dans une chevelure

 

Laisse-moi respirer longtemps, longtemps, l’odeur de tes cheveux, y plonger tout mon visage, comme un homme
altéré dans l’eau d’une source, et les agiter avec ma main comme un mouchoir odorant, pour secouer des
souvenirs dans l’air.

Si tu pouvais savoir tout ce que je vois ! tout ce que je sens ! tout ce que j’entends dans tes cheveux ! Mon âme
voyage sur le parfum comme l’âme des autres hommes sur la musique.

Tes cheveux contiennent tout un rêve, plein de voilures et de mâtures ; ils contiennent de grandes mers dont les
moussons me portent vers de charmants climats, où l’espace est plus bleu et plus profond, où l’atmosphère est
parfumée par les fruits, par les feuilles et par la peau humaine.

Dans l’océan de ta chevelure, j’entrevois un port fourmillant de chants mélancoliques, d’hommes vigoureux de
toutes nations et de navires de toutes formes découpant leurs architectures fines et compliquées sur un ciel
immense où se prélasse l’éternelle chaleur.

Dans les caresses de ta chevelure, je retrouve les langueurs des longues heures passées sur un divan, dans la
chambre d’un beau navire, bercées par le roulis imperceptible du port, entre les pots de fleurs et les gargoulettes
rafraîchissantes.

Dans l’ardent foyer de ta chevelure, je respire l’odeur du tabac mêlé à l’opium et au sucre ; dans la nuit de ta
chevelure, je vois resplendir l’infini de l’azur tropical ; sur les rivages duvetés de ta chevelure je m’enivre des
odeurs combinées du goudron, du musc et de l’huile de coco.

Laisse-moi mordre longtemps tes tresses lourdes et noires. Quand je mordille tes cheveux élastiques et rebelles, il
me semble que je mange des souvenirs.

 

un hemisferio en una cabellera

 

Déjame respirar mucho tiempo, mucho tiempo, el olor de tus cabellos; sumergir en ellos el rostro, como hombre
sediento en agua de manantial, y agitarlos con mi mano, como pañuelo odorífero, para sacudir
recuerdos al aire.

¡Si pudieras saber todo lo que veo! ¡Todo lo que siento! ¡Todo lo que oigo en tus cabellos! Mi alma
viaja en el perfume como el alma de los demás hombres en la música.

Tus cabellos contienen todo un ensueño, lleno de velámenes y de mástiles; contienen vastos mares, cuyos
monzones me llevan a climas de encanto, en que el espacio es más azul y más profundo, en que la atmósfera está
perfumada por los frutos, por las hojas y por la piel humana.

En el océano de tu cabellera entreveo un puerto en que pululan cantares melancólicos, hombres vigorosos de
toda nación y navíos de toda forma, que recortan sus arquitecturas finas y complicadas en un cielo
inmenso en que se repantiga el eterno calor.

En las caricias de tu cabellera vuelvo a encontrar las languideces de las largas horas pasadas en un diván, en la
cámara de un hermoso navío, mecidas por el balanceo imperceptible del puerto, entre macetas y jarros
refrescantes.

En el ardiente hogar de tu cabellera respiro el olor del tabaco mezclado con opio y azúcar; en la noche de tu
cabellera veo resplandecer lo infinito del azul tropical; en las orillas vellosas de tu cabellera me emborracho con
los olores combinados del algodón, del almizcle y del aceite de coco.

Déjame morder mucho tiempo tus trenzas, pesadas y negras. Cuando mordisqueo tus cabellos elásticos y rebeldes,
me parece que como recuerdos.

 

 

 

 

 

Dans Un Hémisphère dans une chevelure le voyage intérieur est inspiré par la chevelure d’une femme
(sans doute Jeanne Duval, sa Vénus noire). Ce poème fait écho au poème intitulé La Chevelure dans
les Fleurs du Mal et comme lui, il fonctionne sur le mode du blason.

 

 

 

 

 

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