Escúchalo aquí recitado por Tomás Galindo
Escúchalo aquí recitado en francés por Leo Ferré
arthur rimbaud
el barco ebrio
le bateau ivre
Comme je descendais des Fleuves impassibles,
Je ne me sentis plus guidé par les haleurs :
Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles
Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.
J’étais insoucieux de tous les équipages,
Porteur de blés flamands ou de cotons anglais.
Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages
Les Fleuves m’ont laissé descendre où je voulais.
Dans les clapotements furieux des marées
Moi l’autre hiver plus sourd que les cerveaux d’enfants,
Je courus ! Et les Péninsules démarrées
N’ont pas subi tohu-bohus plus triomphants.
La tempête a béni mes éveils maritimes.
Plus léger qu’un bouchon j’ai dansé sur les flots
Qu’on appelle rouleurs éternels de victimes,
Dix nuits, sans regretter l’oeil niais des falots !
Plus douce qu’aux enfants la chair des pommes sures,
L’eau verte pénétra ma coque de sapin
Et des taches de vins bleus et des vomissures
Me lava, dispersant gouvernail et grappin
Et dès lors, je me suis baigné dans le Poème
De la Mer, infusé d’astres, et lactescent,
Dévorant les azurs verts ; où, flottaison blême
Et ravie, un noyé pensif parfois descend ;
Où, teignant tout à coup les bleuités, délires
Et rythmes lents sous les rutilements du jour,
Plus fortes que l’alcool, plus vastes que nos lyres,
Fermentent les rousseurs amères de l’amour !
Je sais les cieux crevant en éclairs, et les trombes
Et les ressacs et les courants : Je sais le soir,
L’aube exaltée ainsi qu’un peuple de colombes,
Et j’ai vu quelque fois ce que l’homme a cru voir !
J’ai vu le soleil bas, taché d’horreurs mystiques,
Illuminant de longs figements violets,
Pareils à des acteurs de drames très-antiques
Les flots roulant au loin leurs frissons de volets !
J’ai rêvé la nuit verte aux neiges éblouies,
Baiser montant aux yeux des mers avec lenteurs,
La circulation des sèves inouïes,
Et l’éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs !
J’ai suivi, des mois pleins, pareille aux vacheries
Hystériques, la houle à l’assaut des récifs,
Sans songer que les pieds lumineux des Maries
Pussent forcer le mufle aux Océans poussifs !
J’ai heurté, savez-vous, d’incroyables Florides
Mêlant aux fleurs des yeux de panthères à peaux
D’hommes ! Des arcs-en-ciel tendus comme des brides
Sous l’horizon des mers, à de glauques troupeaux !
J’ai vu fermenter les marais énormes, nasses
Où pourrit dans les joncs tout un Léviathan !
Des écroulement d’eau au milieu des bonaces,
Et les lointains vers les gouffres cataractant !
Glaciers, soleils d’argent, flots nacreux, cieux de braises !
Échouages hideux au fond des golfes bruns
Où les serpents géants dévorés de punaises
Choient, des arbres tordus, avec de noirs parfums !
J’aurais voulu montrer aux enfants ces dorades
Du flot bleu, ces poissons d’or, ces poissons chantants.
– Des écumes de fleurs ont bercé mes dérades
Et d’ineffables vents m’ont ailé par instants.
Parfois, martyr lassé des pôles et des zones,
La mer dont le sanglot faisait mon roulis doux
Montait vers moi ses fleurs d’ombre aux ventouses jaunes
Et je restais, ainsi qu’une femme à genoux…
Presque île, balottant sur mes bords les querelles
Et les fientes d’oiseaux clabaudeurs aux yeux blonds
Et je voguais, lorsqu’à travers mes liens frêles
Des noyés descendaient dormir, à reculons !
Or moi, bateau perdu sous les cheveux des anses,
Jeté par l’ouragan dans l’éther sans oiseau,
Moi dont les Monitors et les voiliers des Hanses
N’auraient pas repêché la carcasse ivre d’eau ;
Libre, fumant, monté de brumes violettes,
Moi qui trouais le ciel rougeoyant comme un mur
Qui porte, confiture exquise aux bons poètes,
Des lichens de soleil et des morves d’azur,
Qui courais, taché de lunules électriques,
Planche folle, escorté des hippocampes noirs,
Quand les juillets faisaient crouler à coups de triques
Les cieux ultramarins aux ardents entonnoirs ;
Moi qui tremblais, sentant geindre à cinquante lieues
Le rut des Béhémots et les Maelstroms épais,
Fileur éternel des immobilités bleues,
Je regrette l’Europe aux anciens parapets !
J’ai vu des archipels sidéraux ! et des îles
Dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur :
– Est-ce en ces nuits sans fond que tu dors et t’exiles,
Million d’oiseaux d’or, ô future Vigueur ? –
Mais, vrai, j’ai trop pleuré ! Les Aubes sont navrantes.
Toute lune est atroce et tout soleil amer :
L’âcre amour m’a gonflé de torpeurs enivrantes.
Ô que ma quille éclate ! Ô que j’aille à la mer !
Si je désire une eau d’Europe, c’est la flache
Noire et froide où vers le crépuscule embaumé
Un enfant accroupi plein de tristesses, lâche
Un bateau frêle comme un papillon de mai.
Je ne puis plus, baigné de vos langueurs, ô lames,
Enlever leur sillage aux porteurs de cotons,
Ni traverser l’orgueil des drapeaux et des flammes,
Ni nager sous les yeux horribles des pontons.
el barco ebrio
Según iba bajando por Ríos impasibles,
Me sentí abandonado por los hombres que sirgan:
Pieles Rojas gritones les habían flechado,
Tras clavarlos desnudos a postes de colores.
Iba, sin preocuparme de carga y de equipaje,
Con mi trigo de Flandes y mi algodón inglés.
Cuando al morir mis guías, se acabó el alboroto:
Los Ríos me han llevado, libre, adonde quería.
En el vaivén ruidoso de la marea airada,
El invierno pasado, sordo, como los niños,
Corrí. Y las Penínsulas, al largar sus amarras,
No conocieron nunca zafarrancho mayor.
La galerna bendijo mi despertar marino,
Más ligero que un corcho por las olas bailé
– Olas que, eternas, rolan los cuerpos de sus víctimas –
Diez noches, olvidando el faro y su ojo estúpido.
Agua verde más dulce que las manzanas ácidas
En la boca de un niño mi casco ha penetrado,
Y rodales azules de vino y vomitonas
Me lavó, trastocando el ancla y el timón.
Desde entonces me baño inmerso en el Poema
Del Mar, infusión de astros y vía lactescente,
Sorbiendo el cielo verde, por donde flota a veces,
Pecio arrobado y pálido, un muerto pensativo.
Y donde, de repente, al teñir los azules,
Ritmos, delirios lentos, bajo el fulgor del día,
Más fuertes que el alcohol, más amplios que las liras,
Fermentan los rubores amargos del amor.
Sé de cielos que estallan en rayos, sé de trombas,
Resacas y corrientes; sé de noches… del Alba
Exaltada como una bandada de palomas.
¡Y, a veces, yo sí he visto lo que alguien creyó ver!
He visto el sol poniente, tinto de horrores místicos,
Alumbrando con lentos cuajarones violetas,
Que recuerdan a actores de dramas muy antiguos,
Las olas, que a lo lejos, despliegan sus latidos.
Soñé la noche verde de nieves deslumbradas,
Beso que asciende, lento, a los ojos del mar,
El circular de savias inauditas, y azul
Y glauco, el despertar de fósforos canoros.
Seguí durante meses, semejante al rebaño
Histérico, la ola que asalta el farallón,
Sin pensar que la luz del pie de las Marías
Pueda embridar el morro de asmáticos Océanos.
¡He chocado, creedme, con Floridas de fábula,
Donde ojos de pantera con piel de hombre desposan
Las flores! ¡Y arcos iris, tendidos como riendas
Para glaucos rebaños, bajo el confín marino!
¡He visto fermentar marjales imponentes,
Nasas donde se pudre, en juncos, Leviatán!
¡Derrubios de las olas, en medio de bonanzas,
Horizontes que se hunden, como las cataratas.
¡Hielos, soles de plata, aguas de nácar, cielos
De brasa! Hórridos pecios engolfados en simas,
Donde enormes serpientes comidas por las chinches
Caen, desde los árboles corvos de negro aroma!
Quisiera haber mostrado a los niños doradas
De agua azul, esos peces de oro, peces que cantan.
– Espumas como flores mecieron mis derivas
Y vientos inefables me alaron , al pasar.
A veces, mártir laso de polos y de zonas,
El mar, cuyo sollozo suavizaba el vaivén,
Me ofrecía sus flores de umbría, gualdas bocas,
Y yacía, de hinojos, igual que una mujer.
Isla que balancea en sus orillas gritos
Y cagadas de pájaros chillones de ojos rubios
Bogaba, mientras por mis frágiles amarras
Bajaban, regolfando, ahogados a dormir.
Y yo, barco perdido bajo cabellos de abras,
Lanzado por la tromba en el éter sin pájaros,
Yo, a quien los guardacostas o las naves del Hansa
No le hubieran salvado el casco ebrio de agua,
Libre, humeante, herido por brumas violetas,
Yo, que horadaba el cielo rojizo, como un muro
Del que brotan ––jalea exquisita que gusta
Al gran poeta–– líquenes de sol, mocos de azur,
Que corría estampado de lúnulas eléctricas,
Tabla loca escoltada por hipocampos negros,
Cuando julio derrumba en ardientes embudos,
A grandes latigazos, cielos ultramarinos,
Que temblaba, al oír, gimiendo en lejanía,
Bramar los Behemots y, los densos Malstrones,
Eterno tejedor de quietudes azules,
Yo, añoraba la Europa de las viejas murallas
¡He visto archipiélagos siderales, con islas
Cuyo cielo en delirio se abre para el que boga:
– Son las noches sin fondo, donde exiliado duermes,
Millón de aves de oro, ¡oh futuro Vigor!?
¡En fin, mucho he llorado! El Alba es lastimosa.
Toda luna es atroz y todo sol amargo:
Áspero, el amor me hinchó de calmas ebrias.
¡Que mi quilla reviente! ¡Que me pierda en el mar!
Si deseo alguna agua de Europa, está en la charca
Negra y fría, en la que en tardes perfumadas,
Un niño, acurrucado en sus tristezas, suelta
Un barco leve cual mariposa de mayo.
Ya no puedo, ¡oleada!, inmerso en tus molicies,
Usurparle su estela al barco algodonero,
Ni traspasar la gloria de banderas y flámulas
Ni nadar, ante el ojo horrible del pontón.
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