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Yo remo
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Maldije tu frente tu vientre tu vida
Maldije las calles que tu andar recorre
Los objetos que recoge tu mano
Maldije el interior de tus sueños
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Puse un charco en tu ojo que ya no ve
Un insecto en tu oreja que ya no oye
Una esponja en tu cerebro que ya no comprende
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Te he enfriado en el alma de tu cuerpo
Te he congelado en tu vida profunda
El aire que respiras te sofoca
El aire que respiras tiene aire de sótano
Es un aire que ya ha sido expirado
Que ha sido expulsado por hienas
El hedor de ese aire ya nadie puede respirarlo
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Tu piel está completamente húmeda
Tu piel rezuma el agua del gran miedo
Tus axilas desprenden desde lejos un olor a cripta
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Los animales se detienen a tu paso
Los perros aúllan por la noche, levantando la cabeza hacia tu casa
No puedes huir
No tienes ningún hormigueo en la punta del pie
Tu cansancio pone raíces de plomo en tu cuerpo
Tu cansancio es una larga caravana
Tu cansancio llega hasta el país de Nan
Tu cansancio es inexpresable
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Tu boca te muerde
Tus uñas te arañan
Ya no es tuya tu mujer
Ya no es tuyo tu hermano
Una serpiente furiosa le ha mordido la planta del pie
Han mancillado tu progenitura
Han mancillado la risa de tu niñita
Han mancillado al pasar el rostro de tu morada
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El mundo se aleja de ti
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Yo remo
Yo remo
Yo remo contra tu vida
Yo remo
Yo me multiplico en remeros innumerables
Para remar con mayor fuerza contra ti
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Caes en lo impreciso
Estás sin aliento
Te cansas aun antes de hacer el menor esfuerzo
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Yo remo
Yo remo
Yo remo
Te vas, ebrio, atado a la cola de un mulo
La ebriedad como un inmenso quitasol que oscurece el cielo
Y convoca a las moscas
La ebriedad vertiginosa de los canales semicirculares
Comienzo mal escuchado de la hemiplejía
La ebriedad ya no te abandona
Te tumba hacia la izquierda
Te tumba hacia la derecha
Te tumba sobre el suelo pedregoso del camino
Yo remo
Yo remo
Yo remo contra tus días
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En la casa del sufrimiento entras
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Yo remo
Yo remo
Sobre un lazo negro tus acciones se inscriben
Sobre el gran ojo blanco de un caballo tuerto rueda tu porvenir
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Yo remo
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Je rame
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J’ai maudit ton front ton ventre ta vie
J’ai maudit les rues que ta marche enfile
Les objets que ta main saisit
J’ai maudit l’intérieur de tes rêves
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J’ai mis une flaque dans ton œil qui ne voit plus
Un insecte dans ton oreille qui n’entend plus
Une éponge dans ton cerveau qui ne comprend plus
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Je t’ai refroidi en l’âme de ton corps
Je t’ai glacé en ta vie profonde
L’air que tu respires te suffoque
L’air que tu respires a un air de cave
Est un air qui a déjà été expiré
Qui a été rejeté par des hyènes
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Le fumier de cet air personne ne peut plus le respirer
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Ta peau est toute humide
Ta peau sue l’eau de la grande peur
Tes aisselles dégagent au loin une odeur de crypte
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Les animaux s’arrêtent sur ton passage
Les chiens, la nuit, hurlent, la tête levée vers ta maison
Tu ne peux pas fuir
Il ne te vient pas une force de fourmi au bout du pied
Ta fatigue fait une souche de plomb en ton corps
Ta fatigue est une longue caravane
Ta fatigue va jusqu’au pays de Nan
Ta fatigue est inexpressible
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Ta bouche te mord
Tes ongles te griffent
N’est plus à toi ta famme
N’est plus à toi ton frère
La plante de son pied est mordue par un serpent furieux
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On a bavé sur ta progéniture
On a bavé sur le rire de ta fillette
On est passé en bavant devant le visage de ta demeure
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Le monde s’éloigne de toi
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Je rame
Je rame
Je rame contre ta vie
Je rame
Je me multiplie en rameurs innombrables
Pour ramer plus fortement contre toi
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Tu tombes dans le vague
Tu es sans souffle
Tu te lasses avant même le moindre effort
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Je rame
Je rame
Je rame
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Tu t’en vas, ivre, attaché à la queue d’un mulet
L’inverse comme un immense parasol qui abscurcit le ciel
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Et assemble les mouches
L’ivresse vertigineuse des canaux semicirculaires
Commencement mal écouté de l’hémiplégie
L’ivresse ne te quitte plus
Te couche à gauche
Te couche à droite
Te couche sur le sol pierreux du chemin
Je rame
Je rame
Je rame contre tes jours
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Dans la maison de la souffrance tu entres
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Je rame
Je rame
Sur un bandeau noir tes actions s’inscrivent
Sur le grand œil blanc d’un cheval borgne roule ton avenir
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Je rame
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Henri Michaux
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Yo remo
Versión de Julia Escobar
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