antonin artaud

 

 

3 cartas conyugales 

 

 

Extrait de»L’ombilic des Limbes, Le pèse nerfs»

 

 

2

 

 

Necesito a mi lado una mujer sencilla y equilibrada, y cuya alma agitada y oscura no alimentara continuamente mi desesperación. Los últimos tiempos te veía siempre con un sentimiento de temor e incomodidad. Sé muy bien que tus inquietudes por mí son a causa de tu amor, pero es tu alma enferma y malformada como la mía la que exaspera esas inquietudes y te corrompe la sangre. No quiero seguir viviendo contigo bajo el miedo.

 

Agregaré que además necesito una mujer que sea mía exclusivamente, y que pueda encontrar en todo momento en mi casa. Estoy aturdido de soledad. Por la noche no puedo regresar a un cuarto solo sin tener a mi alcance ninguna de las comodidades de la vida. Me hace falta un hogar y lo necesito enseguida, y una mujer que se ocupe de mí permanentemente, incapaz como soy de ocuparme de nada, que se ocupe de mí hasta de lo más insignificante. Una artista como tú tiene su vida y no puede hacer otra cosa. Todo lo que te digo es de una mezquindad atroz, pero es así. No es preciso siquiera que esa mujer sea hermosa, tampoco quiero que tenga una excesiva inteligencia, y menos aún que piense demasiado. Con que se apegue a mí es suficiente.

 

Pienso que sabrás reconocer la enorme franqueza con que te hablo y sabrás darme la siguiente prueba de tu inteligencia: comprender muy bien que todo lo que te digo no rebaja en nada la profunda ternura, y el indeclinable sentimiento de amor que te tengo y seguiré teniendo inalienablemente por ti, pero ese sentimiento no guarda ninguna relación con el devenir corriente de la vida. La vida es para vivirse. Son demasiadas las cosas que me unen a ti para que te pida que lo nuestro se rompa; sólo te pido que cambiemos nuestras relaciones, que cada uno se construya una vida diferente, pero que no nos desunirá más.

 

 

 

 

DEUXIÉME LETTRE DE MÉNAGE

 

 

J’ai besoin, à côté de moi, d’une femme simple et équilibrée, et dont l’âme inquiète et trouble ne fournirait pas sans cesse un aliment à mon désespoir. Ces derniers temps, je ne te voyais plus sans un sentiment de peur et de malaise. Je sais très bien que c’est ton amour qui te fabrique tes inquiétudes sur mon compte, mais c’est ton âme malade et anormale comme la mienne qui exaspère ces inquiétudes et te ruine le sang. Je ne veux plus vivre auprès de toi dans la crainte. J’ajouterai à cela que j’ai besoin d’une femme qui soit uniquement à moi et que je puisse trouver chez moi à toute heure. Je suis désespéré de solitude. Je ne peux plus rentrer le soir, dans une chambre, seul, et sans aucune des facilités de la vie à portée de ma main. Il me faut un intérieur, et il me le faut tout de suite, et une femme qui s’occupe sans cesse de moi qui suis incapable de m’occuper de rien, qui s’occupe de moi pour les plus petites choses. Une artiste comme toi a sa vie, et ne peut pas faire cela. Tout ce que je te dis est d’un égoïsme féroce, mais c’est ainsi. Il ne m’est même pas nécessaire que cette femme soit très jolie, je ne veux pas non plus qu’elle soit d’une intelligence excessive, ni surtout qu’elle réfléchisse trop. Il me suffit qu’elle soit attachée à moi. Je pense que tu sauras apprécier la grande franchise avec laquelle je te parle et que tu me donneras la preuve d’intelligence suivante : c’est de bien pénétrer que tout ce que je te dis n’a rien à voir avec la puissante tendresse, l’indéracinable sentiment d’amour que j’ai et que j’aurai inaliénablement pour toi, mais ce sentiment n’a rien à voir lui-même avec le courant ordinaire de la vie. Et elle est à vivre, la vie. Il y a trop de choses qui m’unissent à toi pour que je te demande de rompre, je te demande seulement de changer nos rapports, de nous faire chacun une vie différente, mais qui ne nous désunira pas.

 

 

 

 

3

 

 

Desde hace cinco días he dejado de vivir a causa de ti, a causa de tus estúpidas cartas, por tus cartas no de espíritu sino de sexo, por tus cartas llenas de reacciones de sexo y no de razonamientos conscientes. Estoy harto de nervios, harto de razones; en lugar de protegerme, tú me agobias, me agobias por que lo que dices es errado. Siempre has errado. Siempre me has juzgado con la sensibilidad más baja que hay en la mujer. Te empeñas en no admitir ninguna de mis razones. Pero a mí ya no me quedan razones, ya no tengo nada de qué disculparme, ya no tengo nada que discutir contigo. Conozco mi vida y eso me alcanza.

 

Y en el instante en que comienzo a meterme en mi vida, más y más me socavas, causas mi desesperación; cuantos más motivos te doy para esperar, para que seas paciente, para tolerarme, más encarnizadamente te empeñas en destrozarme, en hacerme perder los beneficios logrados, más intolerante eres con mis males. Del espíritu lo desconoces todo, nada sabes de la enfermedad. Todo lo juzgas llevada por las apariencias externas. Pero yo conozco mi interior, ¿verdad?, y cuando te grito no hay nada en mí, nada en mi persona, que no sea causado por la existencia de un mal anterior a mí mismo, previo a mi voluntad, nada en ninguna de mis más inmundas reacciones que no provenga exclusivamente de mi enfermedad y no le fuera imputable, sea cual sea el caso, vuelves a esgrimir tus razones equivocadas que se fijan en los detalles nimios de mi persona, que me condenan por lo más mezquino.

 

Pero cualquier cosa que yo haya podido hacer de mi vida, ¿no es verdad? no me ha impedido retornar paulatinamente a mi ser e instalarme un poco más cada día. En ese ser que la enfermedad me había arrebatado y que los reflujos de la vida me reintegran pedazo a pedazo. Si no supieras a qué me había entregado para limitar o extirpar los dolores de esa separación intolerable, tolerarías mis desequilibrios, mis estruendos, ese desmoronamiento de mi persona física, esas ausencias, esos achatamientos. Y en virtud de que supones que se deben al uso de una sustancia, que de sólo nombrarla oscurece tu razón, me acosas, me amenazas, me arrastras a la locura, me destrozas con tus manos ira la materia misma de mi cerebro. Sí, me obligas a obstinarme más conmigo mismo, cada una de tus cartas parte a mi espíritu en dos, me tira a insensatos callejones sin salida, me destruye con desesperaciones, con furores. No puedo más, te he gritado suficiente. Deja de razonar con tu sexo, asimila de una vez la vida, toda la vida, ábrete a la vida, mira las cosas, mírame, renuncia, y deja al menos que la vida me abandone, se expanda ante mí, en mí. No me agobies.

 

Basta.
La Cuadrícula es un momento espantoso para la sensibilidad, la materia.

 

 

 

 

Troisième lettre de ménage

 

 

 

Depuis cinq jours, je ne vis plus à cause de toi, à cause de tes lettres stupides, de tes lettres de sexe et non d’esprit, de tes lettres remplies de réactions de sexe et non de raisonnements conscients. Je suis à bout de nerfs, à bout de raisons ; au lieu de me ménager, tu m’accables, tu m’accables parce que tu n’es pas dans la vérité. Tu n’as jamais été dans la vérité, tu m’as toujours jugé avec la sensibilité de ce qu’il y a de plus bas dans la femme. Tu refuses de mordre à aucune de mes raisons. Mais moi, je n’ai plus de raisons, plus d’excuses à te faire, je n’ai plus à discuter avec toi. Je connais ma vie et cela me suffit. Et au moment où je commence à rentrer dans ma vie, de plus en plus tu me sapes, tu recommences mes désespoirs ; plus je te donne de raisons d’espérer, de prendre patience, de me supporter, plus tu t’acharnes à me ravager, à me faire perdre les bénéfices de mes conquêtes, moins tu es indulgente à mes maux. Tu ne sais rien de l’esprit, tu ne sais rien de ma maladie. Tu juges tout sur des apparences extérieures. Mais moi, je connais, n’est-ce pas, mon dedans ; et quand je te crie il n’y a rien en moi, rien dans ce qui fait ma personne, qui ne soit produit par l’existence d’un mal antérieur à moi-même, antérieur à ma volonté, rien dans aucune de mes hideuses réactions qui ne vienne uniquement de la maladie et ne lui soit, dans quelque cas que ce soit, imputable, tu en reviens à quelqu’une de tes misérables ratiocinations, tu recommences le déballage de tes mauvaises raisons qui s’attachent à des détails infimes de moi-même, qui me jugent par le petit côté. Mais quoi que j’aie pu faire de ma vie, n’est-ce pas, cela ne m’a pas empêché de repénétrer lentement dans mon être, et de m’y installer chaque jour un peu plus. Dans cet être que la maladie m’avait enlevé et que les reflux de la vie me restituent morceau par morceau. Si tu ne savais à quoi je m’étais livré pour restreindre ou supprimer les douleurs de cette séparation intolérable, tu supporterais mon déséquilibre, mes heurts, l’instabilité de mes humeurs, cet effondrement de ma personne physique, ces absences, ces écrasements. C’est parce que tu t’imagines qu’ils sont dus à l’emploi d’une substance dont l’idée seule emporte ton raisonnement que tu m’accables, que tu me menaces, que tu me jettes, moi, dans l’affolement, que tu saccages, avec tes mains de colère, la matière même de mon cerveau. Oui, tu me fais me buter contre moi-même, chacune de tes lettres partage en deux mon esprit, me jette dans des impasses insensées, me crible de désespoirs, de fureurs. Je n’en puis plus, je te crie assez. Cesse de penser avec ton sexe, absorbe enfin la vie, toute la vie, ouvre-toi à la vie, vois les choses, vois-moi, abdique, et laisse un peu que la vie m’abandonne, se fasse étale en moi, devant moi. Ne m’accable plus. Assez.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

θ

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